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Fertilisants en bio : comment faire le bon choix ?

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Entre effluents d'élevage, amendements organiques et produits commerciaux, passage en revue des différents critères devant être pris en compte pour faire le bon choix.

Avec l’envolée des cours de l’énergie et le contexte géopolitique, le coût de la fertilisation notamment azotée a augmenté et les produits organiques habituellement utilisés se sont raréfiés. Face à cette situation, de nouvelles solutions peuvent être envisagées. Si techniquement cela est possible tout en respectant le cahier des charges AB, il faut rester attentif à l’intérêt économique des produits utilisés.

De l’intérêt des effluents d’élevage

Les effluents d’élevage sont à privilégier pour fertiliser les parcelles agricoles. La relation sol-plante-animal reste une pierre angulaire de l’agriculture et d’autant plus en AB. Les effluents d’élevage permettent de restituer aux parcelles les éléments fertilisants de l’alimentation animale ou des litières. Dans une exploitation avec élevage, il faut être vigilant à restituer de façon équilibrée aux parcelles qui ont contribué à la fourniture de fourrage, de grains ou de litière : attention aux parcelles éloignées du site de l’élevage.

Les effluents d’élevage utilisables en AB doivent respecter le cahier des charges. En absence d’élevage et de disponibilité d’effluents AB, il est possible d’utiliser des produits conventionnels à condition que les élevages de provenance ne soient pas considérés comme industriels. Ainsi, des lisiers de porcs, des fientes de volailles conventionnelles seront utilisables si les élevages sont en deçà des seuils de la directive. Les autres types d’élevage ne sont pas concernés et sont donc utilisables : les élevages conventionnels de volailles sur litière peuvent être utilisés. Les digestats de méthanisation sont également utilisables à condition que les produits entrant en méthanisation soient homologués AB.

Le lien avec l’élevage est à privilégier soit directement sur l’exploitation soit en étant en relation avec un élevage dans le cadre d’un plan d’épandage.

Bien utiliser les amendements organiques

Au-delà des effluents d’élevage, l’ensemble des produits organiques contribuent à apporter des éléments pour nourrir la vie du sol et les plantes et/ou structurer le sol. Parmi les produits organiques, il y a d’abord les restitutions des cultures comme les pailles et autres résidus de récolte. Les couverts végétaux qui sont restitués à leur destruction contribuent également à cet entretien. Dans ces 2 cas, il s’agit d’un recyclage des éléments qui n’ont pas été prélevés de la parcelle.

Pour compenser les exportations qui sont faites au niveau de la parcelle lors des récoltes (grains, fourrages, …), l’analyse de sol permet d’évaluer le niveau de fertilité de la parcelle. Les amendements organiques permettent de corriger les besoins pour les éléments majeurs (azote, phosphore, potasse). Leur utilisation doit respecter la Directive Nitrate et notamment le seuil de 170 uN organique d’origine animale par hectare.

Attention au coefficient d’efficacité

L’assimilation de l’azote dépend de plusieurs éléments et un décalage est généralement observé entre la quantité totale apportée et sa valorisation. Seule, une partie sera utilisable par la culture de la campagne en cours : de l’importance de tenir compte du coefficient d’efficacité du produit organique au moment de l’apport pour la culture considérée. La part d’azote non valorisée par la culture de l’année sera intégrée dans le calcul de la fertilisation azotée des campagnes suivantes. Le GREN et à disposition ces éléments qui doivent être utilisés pour les calculs de la fertilisation azotée. Ainsi, un compost de déchets verts qui titre 8 unités d’azote organique total ne permettra de libérer que 10% pour une culture soit moins d’une unité par tonne. Le calcul de la fertilisation s’effectue sur la partie efficace tandis que le produit peut être acheté selon la teneur totale ! De l’importance de connaître le produit que l’on utilise selon la culture et la période d’apport.

Des produits commerciaux organiques disponibles  

Faute de disponibilité en effluents d’élevage, les gisements de composts de déchets verts comme ceux des déchèteries peuvent être sollicités. Attention à la qualité de ces déchets verts et de leur compostage. Ces produits doivent disposer d’une information sur le procédé  mis en œuvre et sur la composition chimique. Les produits normés garantissent le respect des procédures et la teneur en indésirables.

Parmi les produits commerciaux, la plupart est constituée de fertilisants élaborés à partir de produits végétaux ou issus d’animaux (effluents d’élevage, issus d’abattoir, …). En cas d’utilisation, il faut s’assurer qu’ils sont utilisables en AB : l’étiquetage doit le mentionner. En cas de doute, il est préférable d’interroger son organisme certificateur (OC).  Comme pour les effluents organiques, il est important de connaître le coefficient d’efficacité de ces produits pour identifier la part d’azote qui sera disponible pour la culture visée.

Si techniquement il est possible d’utiliser des produits commerciaux, il faut rester vigilant à l’intérêt économique de ces produits en tenant compte de leur concentration en éléments fertilisants, le coefficient d’efficacité de l’azote et le prix du produit au regard du rendement supplémentaire attendu et du cours du marché. Il faut bien sûr dépasser le simple équilibre pour y trouver un intérêt économique. L’impasse peut être économiquement plus intéressante.

Des essais de fertilisation à la station de Kerguéhennec

A la station de Kerguéhennec des essais de fertilisation à partir de produits commerciaux sont suivis pour connaître la réponse de ces produits et leur intérêt économique. Ce travail fait écho à ceux menés au niveau national par les chambres d’agriculture – chambre france, Arvalis et plusieurs partenaires régionaux

Les produits testés ont permis d’augmenter les rendements par rapport au témoin d’environ 12 q quelle que soit la formulation avec une dose apportée de 40 à 60 uN pour chaque produit testé. Le témoin a produit 42 q/ha quand les modalités testées ont atteint un rendement entre 50 et 60q. Toutefois, c’est le témoin qui obtient largement la meilleure marge compte tenu du cours des céréales (230€/t) et du coût des fertilisants. Un gain de 37 q/ha aurait permis de compenser le coût de la fertilisation. Il faut donc rester vigilant sur le poste dépense dans le contexte de prix actuel. Des essais complémentaires se poursuivent.

Des apports pour la culture et pour la structure

Dans la gestion de la fertilisation, il faut tenir compte de la forme organique des produits pour évaluer l’efficacité l’année de l’apport et la contribution pour les années suivantes. C’est une balance entre l’effet à court terme et celui à plus long terme. Cela est lié à la forme de l’azote mais aussi à celle du carbone. Selon le rapport C/N, l’apport organique sera plus ou moins rapidement accessible par la vie du sol ou demandera une temporisation, une réorganisation des éléments, le temps que la vie du sol digère la matière apportée riche en C au risque de faire apparaître des « faims d’azote ».

Plus le rapport C/N est proche de 10 plus il correspond à celui d’un sol actif où les éléments sont rapidement minéralisés par la vie du sol. Il s’agit du côté fertilisant du produit apporté. C’est le cas de couverts de légumineuses. Pour des couverts plus ligneux (C/N > 20), il faudra plus de temps pour qu’ils soient utilisés par la vie du sol avant de servir à la fertilisation des plantes. Avec des rapports élevés comme pour la paille de céréale (C/N = 100), les apports contribueront à apporter du carbone dans le sol et améliorer la structure du sol. C’est le côté amendement organique qui va contribuer à l’humus du sol.

Fertiliser par les cultures

D’autres pistes sont envisageables pour contribuer à améliorer la fertilité. C’est le plus souvent pour apporter de l’azote à la parcelle concernée. Les légumineuses sont intéressantes pour capter l’azote de l’air et le restituer au sol pour la culture suivante. De l’intérêt des légumineuses dans les rotations en pur ou en association : pois, féverole, lupin, trèfles, …Elles ont également leur place dans les couverts tout en respectant la réglementation. Les restitutions en azote par des cultures de légumineuses peuvent être conséquentes : la méthode MERCI (Méthode d’Evaluation des Restitutions des Couverts Interculturaux) permet d’estimer la restitution au sol d’une légumineuse comme pour les couverts. Une féverole d’hiver avec un rendement de 25q/ha restituera ainsi 80 uN/ha. Selon les légumineuses et leur rendement, ces restitutions peuvent varier de 50 à 100 uN.

Initiée par Arvalis dans le Tarn, une culture de luzerne accueille des cultures annuelles (blé, tournesol, …) et contribue à apporter en azote les cultures. La luzerne est semée en inter-rangs de 30 cm dans lesquels s’intercalent les autres cultures. Au fur et à mesure du développement de la culture associée, la luzerne est contrôlée par broyage. Cette technique est testée dans d’autres zones climatiques mais elle nécessite des interventions avec guidage dès le semis et pour le broyage avec un équipement spécifique.

D’autres travaux évaluent la possibilité d’apporter des produits issus de cultures de légumineuses (jus de luzerne, apport direct de matière verte ou ensilée) pour mesurer l’effet fertilisation azotée. Les effets sont à mesurer avec les moyens mis œuvre face aux coûts engendrés. La prairie avec légumineuse dans la rotation reste un levier intéressant en contribuant à la fertilité de la parcelle et la gestion des adventices. L’idéal est de pouvoir valoriser les prairies directement avec l’élevage de l’exploitation ou la vente de fourrage.

Ne pas oublier les autres éléments  

La fertilisation doit prendre en compte tous les éléments nécessaires au bon développement des cultures. L’analyse de sol permet de connaître le niveau de fertilité en éléments chimiques : P2O5, K2O, MgO, pH et CaO, oligo-éléments, … Les amendements organiques contribuent selon leur composition à satisfaire tout ou partie de ces éléments. En cas de besoin complémentaire, des produits minéraux seront utilisables, issus d’extraction minière comme la kiésérite, le sulfate de potassium, … L’annexe II du règlement européen donne l’ensemble des familles de produits fertilisants utilisables en AB.

Suivre sa fertilisation avec un œil avisé

Dans le contexte de cours bas, il faut rester vigilant au poste des charges opérationnelles. Toutefois, la fertilisation est un poste clé. Avant toute dépense sur ce poste, il est donc important de bien connaître le niveau de fertilité de sa parcelle à l’aide d’une analyse de sol réalisée en amont de la mise en culture (à l’automne ou au printemps). Les effluents d’élevage restent une source essentielle de fertilisation en AB.


Paul LANDRAIN Conseiller agronomie Bio - 07 89 67 22 26 - paul.landrain@bretagne.chambagri.fr


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