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Haies bocagères : la métamorphose éco-responsable d'une ferme bretonne

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Aurore et Yoha Le Du dans une de leur parcelle près d'une haie - Crédit photo : Sarah Bascou - CRAB

La haie est parfois jugée contre-productive, notamment en production légumière. Pourtant, c’est tout le contraire dont nous parle Aurore et Yohan Le Du, légumiers bio.

Aurore et Yohan Le Du, agriculteurs à Ploumilliau (22) implantent régulièrement, et dès leur installation en 2007, des haies bocagères autour de leurs parcelles. Sur 120 ha et avec 10 UTH dont 2 associés, ils ont aujourd’hui 32 km de haies. Une démarche qui s’est faite petit à petit mais dont ils mesurent l’intérêt tous les jours et qu’ils approfondissent depuis plus de 15 ans.

L'histoire d'une ferme qui, de l'élevage au maraîchage, garde son engagement envers la biodiversité

Aurore : « Nous nous sommes installés en 2007 en lait. Et dès la première année, nous avons planté des haies sur talus pour créer des chemins pour les vaches. Puis, avec les techniciens bocages du bassin versant, nous avons réfléchi pour rationnaliser la forme et la taille des parcelles, tout en veillant à protéger les cours d’eau avec l’implantation de talus boisés aux endroits stratégiques (pente ou proximité à la rivière) ou de haies à plat quand il n’y avait pas de risque. Planter des arbres nous paraissait alors naturel, pour le confort des animaux notamment (fraîcheur, apport nutritif, protection contre le vent…), pour l’environnement, pour nous, pour notre entourage.

Peu à peu, nous avons développé une activité légumes qui a pris de l’ampleur jusqu’à composer 100 % de notre activité à partir de 2023. Pourtant, nous n’avons jamais cessé de planter des haies. »

Le passage en bio, un autre regard

Yohan : « Plusieurs évènements ont changé notre regard sur la ferme et les haies.

D’abord en 2017, nous sommes passés en bio. Ce qui nous freinait surtout, c’était la gestion des adventices mais une fois qu’on a maîtrisé les outils, notamment avec l’aide de voisins bio, on s’est dit « on peut le faire ». En conventionnel, on ne regardait pas la vie autour de nous. Mais en bio, on n’avait plus le choix. On a eu un champ de fèves infesté de pucerons noirs. On ne voulait pas traiter et on pensait la parcelle fichue. Mais en observant les plants, on a découvert au milieu des pucerons plein de drôles de bêtes qu’on ne connaissait pas. C’était des larves de coccinelles ! L’armée du salut, planqué dans la haie, était arrivée ! La parcelle a été sauvée ! »

Le pied de talus, c’est notre nichoir à auxiliaires !

Yohan : « J’entretenais les bords de champs à l’épareuse, et sans le vouloir j’ai tué une poule faisane qui y couvait. Ca m’a vraiment fait mal. Et peu de temps après, nous avons réalisé un diagnostic biodiversité de la ferme, imposé par le groupement BioBreizh, auquel nous avions adhéré. C’est M. Luc Guihard de Bretagne vivante qui est venu et qui a fait changer notre regard sur la ferme. Il nous a expliqué le cycle de vie de la faune auxiliaire. Ca a été le déclic. Nous avons compris à quel point une haie dense, avec une strate herbacée, une arbustive, une arborée ET un vrai pied de talus, pouvaient offrir gîte et couvert à de nombreuses espèces d’insectes mais aussi d’oiseaux et contribuer à ramener de l’équilibre et de la biodiversité indispensables au bon fonctionnement de nos parcelles. »

« Si faire propre veut dire détruire les habitats et la nourriture de nos alliés, alors nous préférons ne pas le faire. Et tant pis pour les regards en biais du voisinage ! »

Aurore : « Depuis, plutôt que de faucher régulièrement nos pieds de talus « pour faire propre », nous préférons laisser les ronciers et les orties se développer de part et d’autre de la haie. Ainsi, les auxiliaires des cultures (carabes, coccinelles, mésanges…) qui demain protégeront nos champs, pourront survivre et se développer correctement, prêts à intervenir en cas d’infestation. »

Les haies, de vraies alliées pour la qualité des légumes, de la biodiversité et de notre bien-être  

Aurore :« Même si nous n’avons plus d’élevage, nous mesurons l’effet incroyablement positif des haies sur l’ambiance des parcelles et sur la qualité de nos légumes, sans parler de notre propre bien-être ! Moins de coup de chaud, de vent, de froid, c’est très appréciable à tout niveau. Et nous avons mesuré concrètement l’effet de la biodiversité dans les champs, avec la régulation des pucerons par exemple, mais aussi la présence d’oiseaux venus manger des pousses de chénopodes, ou des couples de buses qui se sont installés dans chaque secteur.

Evidemment tout n’est pas rose. Nous avons, comme nos voisins, des attaques de choucas par exemple, mais pas plus qu’avant l’implantation des haies. Les graines bio sont particulièrement appétantes pour ces oiseaux et nous devons nous montrer plus malins qu’eux. »

« Certains nous voient comme des originaux, mais notre démarche a été progressive, réfléchie et cohérente. Elle se renforce chaque jour et porte ses fruits. »

Une de nos parcelles de fève où une colonie de coccinelles s'est installéeUne de nos parcelles de fève où une colonie de coccinelles s'est installée

Yohan :« Et tous les effets induits par les pesticides que l’on n’a plus ! Ce que l’on croit résoudre dans l’instant avec la chimie, produit souvent des effets inverses à moyen terme. Aujourd’hui, hormis la bouillie bordelaise appliquée a minima, nous n’épandons aucun produit sur nos parcelles. Ni insecticide, ni herbicide n’est utilisé sur la ferme.

Bref, nous ne regrettons rien et souhaitons aller de l’avant dans cette démarche. »

« L’effondrement de la biodiversité et le réchauffement climatique, tout le monde en parle mais qui agit ?

Il me semble que c’est à nous, agriculteurs de montrer l’exemple. »

Repenser nos pratiques pour plus de biodiversité  

Aurore : « Bien sûr, l’entretien d’un important linéaire de haies prend du temps. Mais nous avons changé nos pratiques et notre vision de l’exploitation. Plutôt que de vouloir valoriser à tout prix toute la SAU, nous préférons une approche plus globale de la ferme. Nous implantons des couverts végétaux sur tout le tour des parcelles, car ces espaces sont de toute manière peu productifs : roulage des plants avec les passages répétés du tracteur, rendements moindres en bord de haie… Les zones de recoins pareillement peu exploitables vont être mises cette année en jachère fleurie et nos zones humides sont fauchées par le voisin pour ses bovins, et nous avons fait avec lui des échanges parcellaires de longue durée pour optimiser les trajets. Ces pratiques sont dictées par le bon sens, elles ne nous ferons pas plus riches ni plus pauvres. »

Yohan :« Nos salariés et nous sommes tous formés à la gestion du bois et la taille, et nous tournons régulièrement sur les parcelles pour tailler les branches à la scie ou au sécateur. Les MAE « gestion du bocage » permettent de payer ce temps salarié d’entretien. Nous nous chauffons avec ces branches ou les arbres tombés. Et pour les gros chantiers, il nous arrive aussi de marquer les arbres et de proposer à des voisins de les couper et de garder le bois. »

Aurore :« Certaines communes voisines proposent, contre récupération du bois, l’entretien des haies de bords de route. Ca nous semble une initiative intéressante à développer. »

De nouveaux défis : des haies intra-parcellaires, du sans labour

Yohan :« Nous continuons à avancer avec des voisins, les techniciens bocage de la collectivité, mais aussi avec nos collègues légumiers, ou encore via internet. Nous réfléchissions à planter des haies intra-parcellaires, notamment pour faciliter l’accès au cœur des parcelles par les carabes, mais certaines contraintes techniques nous freinent encore. »


Aurore : « Par ailleurs, cette année, nous nous sommes lancés dans le sans labour, afin de moins bouleverser la vie du sol et l’habitat de ces alliés (vers, bactéries, champignons) qui nous facilitent la vie en maintenant les équilibres. C’est pour nous un challenge que nous souhaitons relever. Nous continuons à apprendre, changer, partager. C’est exaltant ! »

Le lamier est un outil que l'on n'utilise plus. Il fait plus de dégâts que de bien.


La haie et sa biodiversité, au service de la production agricole

L’aménagement d’infrastructures arborées telles que les haies, en bordure et/ou au sein des parcelles agricoles est un véritable levier agroécologique. Le témoignage de Yohan et Aurore Le Du souligne bien la multifonctionnalité des haies qui répond tout aussi bien à des enjeux localisés, comme la lutte contre l’érosion des sols, qu’à des enjeux plus globaux comme la préservation de la biodiversité ou la lutte contre le réchauffement climatique.

Comme l’ont très bien remarqué Yohan et Aurore, le maintien de cette biodiversité est un réel atout pour leur activité. Ils profitent de tout un cortège d’espèces intervenant en tant que pollinisateurs, prédateurs de ravageurs ou encore en tant que décomposeurs de la matière organique.

Il est difficile de chiffrer réellement la part des bénéfices qu’apporte cette biodiversité dans la production. Malgré tout, il a été estimé dans un rapport réalisé en 2016, dans le cadre de l’EFESE (évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques, que la part de la production végétale destinée à l’alimentation humaine, issue de l’action des pollinisateurs, représente en France une valeur comprise entre 2,3 et 5,3 milliards d’euros (pour l’année 2010).

Dans un objectif de régulation de ravageurs, les essences dans les aménagements bocagers peuvent être choisies de manière à attirer les bons auxiliaires prédateurs. Pour aider dans ce choix, les Chambres d’agriculture ont développée l’application Auxil’haie . Disponible gratuitement sur internet, l’utilisateur renseigne le type de culture (arboriculture, viticulture, maraîchage…) et le groupe de ravageurs auquel il est confronté. L’outil ressort alors une liste d’essences adaptées et attirant les auxiliaires spécifiques au groupe de ravageurs sélectionnés.

Structure de la haie et gestion de ses bordures

La structure et la composition des infrastructures bocagères ont une influence sur la richesse biologique. Les pratiques de gestion peuvent également impacter le bon état écologique des haies. Pour garantir un écosystème vivant et fonctionnel, nous préconisons de raisonner les pratiques d’entretien, notamment celles sur la maîtrise des bordures de haies :

Remarques : La ronce a également sa place dans l’écosystème de la haie. De par sa floraison tardive, ses fleurs font parties des quelques rares fleurs mellifères l’été. La ronce est donc importante pour assurer la continuité de la ressource alimentaire des pollinisateurs dans l’année.
Le développement végétatif de la ronce peut être important, en particulier si elle est stressée. La gestion de l’emprise de la ronce est donc préférable à partir de septembre, une fois les fruits sortis. Les réserves ayant été mobilisées pour la fructification, la pousse de nouvelles pousses végétatives est limitée. Avant floraison, elle serait au contraire stimulée par un broyage.

Les outils d’accompagnements techniques et financiers en faveur du bocage

Pour mieux connaître l’état biologique des haies dont vous avez la gestion sur votre exploitation, il est possible de vous faire accompagner par notre équipe de conseillers agroforestiers et de réaliser un plan de gestion durable des haies. Ce diagnostic vous aide également à identifier les besoins d’aménagements bocagers et initier de nouveaux projets de plantation sur votre ferme.

Les projets de plantation de haie sont fortement soutenus par la Région, via le programme de financement Breizh Bocage. Tout comme les techniciens bocages des communautés de communes, notre équipe de conseillers agroforestiers de la Chambre d’agriculture de Région Bretagne peut vous aider à concevoir votre projet de plantation et à réaliser les dossiers de demande de subventions auprès de la Région.


Contacts :
Sarah BASCOU – Conseillère Agriculture biologique, Tél. 06 73 36 93 88
sarah.bascou@remove-this.bretagne.chambagri.fr

Eva STAMMLER - Conseillère spécialisée en Agroforesterie, Tél. 06 65 47 46 57,
eva.stammler@bretagne.chambagri.fr  


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