Pratiquer le pâturage hivernal : focus sur les troupeaux laitiers en bio

Dans un contexte de changement climatique, les périodes de pousses de l’herbe évoluent. Ainsi, en été, les périodes sèches sont plus fréquentes, les pousses automnales sont plus importantes. Durant la période hivernale, d’importants stocks d’herbe peuvent rester de ce retour de pousse automnale avec des difficultés pour les valoriser. Cette herbe peut jouer un rôle non négligeable dans l’équilibre des rations hivernales des troupeaux laitiers bio avec de la MAT disponible sur pied. Cet article présente un Vrai/Faux sur la pratique du pâturage hivernal. Il précise les premières conclusions des essais menés dans le cadre du projet régional Fermadapt. Il fait un focus sur le troupeau bio de la ferme expérimentale de Trévarez.

Vrai/Faux sur le pâturage hivernal, les premières conclusions des essais menés sur le troupeau bio de la ferme expérimentale de Trévarez

Les conditions météorologiques ne permettent pas de sortir en hiver : FAUX

Lors des deux derniers hivers, les vaches laitières du troupeau bio sont sorties en moyenne 3 h/jour de mi-novembre à début février. Les conditions météorologiques n’ont pas permis de sortir les animaux durant 4 jours lors de l’hiver 2022-2023 et 7 jours lors de l’hiver 2023-2024. Le faible temps de présence avec un chargement instantané de 50 à 100 UGB/ha n’a pas laissé de séquelles visibles sur les prairies le reste de l’année. Il faut toutefois être vigilant à la dégradation des chemins qui peut être importante durant l’hiver. Ne pas négliger leur confection et entretien en limitant les zones avec de l’eau stagnante.

L’herbe en hiver a une bonne valeur alimentaire pour les troupeaux laitiers en bio : VRAI

Les deux premières années d’essais de pâturage hivernal sur la station de Trévarez, font ressortir que l’herbe hivernale présente une bonne valeur alimentaire. Dans le cas du système bio, la valeur moyenne de l’herbe pâturée pour des prairies temporaires de type RGA- TB se situe entre 18 et 20 % de MAT pour 0.85 UFL/kg MS. Cette herbe permet d’équilibrer une ration déficitaire par sa bonne valeur en azote et énergie. De plus, avec des valeurs de matière sèche autour des 15 %, chaque sortie, même courte, permet de valoriser du fourrage à moindre coût. Enfin, elle est tout de même encombrante avec une valeur à 1 UEB/kg MS.

Lors des essais à Trévarez, le pâturage hivernal remplace un déprimage : VRAI

Durant l’automne, les périodes de pousse importantes mènent parfois à la création de stocks d’herbe sur les parcelles en hiver. Cette herbe sur pied présente une qualité variable en fin d’hiver/début de printemps avec souvent la nécessité d’un fil avant ou d’une fauche pour la valoriser. Le pâturage hivernal permet donc d’effectuer un premier déprimage précoce en vue de la saison de pâturage. Même si la pousse hivernale est faible, de 5 à 10 kg MS/ha/j dans la zone climatique de Trévarez, celle-ci permet aux parcelles pâturées en début d’hiver de faire un bon démarrage au printemps (en lien avec la présence de surface foliaire). Effectuer un cycle de pâturage durant l’hiver peut aussi permettre de favoriser l’apparition au printemps des légumineuses dans le couvert en favorisant l’accès à la lumière de celles-ci.

Le pâturage hivernal décale la repousse au printemps : VRAI

Il est important de prendre en compte un retard de pousse en début de printemps. En effet, pour Trévarez, une différence de pousse de 15 kgMS/ha/j est observée entre les zones pâturées et non pâturées en hiver lors des 10 premiers jours de mars. Ce retard est très vite comblé pour atteindre des niveaux de pousse équivalents une semaine plus tard.

Le pâturage hivernal est une pratique adaptée à tous les systèmes : VRAI

L’intérêt du pâturage hivernal réside dans la diversité des pratiques associées à celui-ci : bale-grazing, pâturage tournant, techno pâturage ou pâturage opportuniste. Il existe autant de manières de le mettre en place que d’exploitations. Les pratiques peuvent évoluer selon les conditions pédoclimatiques et les attentes de l’éleveur. Lors des hivers 2022-2023 et 2023-2024, un essai de pâturage tournant de 7 à 10 jours par paddock a été réalisé avec les génisses gestantes conventionnelles de Trévarez. Le lot en pâturage hivernal a atteint les objectifs de croissance. Cet essai montre que le pâturage hivernal convient à plusieurs types d’animaux.

Un groupe AEP (Agriculture Ecologiquement Performante) travaille sur le pâturage hivernal dans des situations diverses (pratiques, sols, pluviométrie, troupeaux...). Financé par la Région Bretagne et animé par la Chambre d’agriculture de Bretagne et Adage, il réunit une cinquantaine d’éleveurs des 4 départements bretons et vise à échanger et en apprendre plus sur cette pratique encore peu répandue. Vous pouvez le rejoindre et participer aux travaux en cours. Leurs résultats fourniront prochainement des informations complémentaires aux essais réalisés en fermes expérimentales.

Alors prêt à sortir un lot en hiver ?

Contact :

Claire CARAES : Chargée d'études en production laitière biologique, claire.caraes@remove-this.bretagne.chambagri.fr - 06 30 69 06 27