L’empreinte carbone des élevages laitiers en Bretagne
Des analyses des bilans carbone issus des CAP2ER de 136 élevages laitiers bretons ont été réalisées afin de comparer les systèmes fourragers entre eux et d’identifier les différences entre les exploitations qui émettent le plus de gaz à effet de serre (GES) et celles qui en émettent le moins. Le classement des résultats prend en compte non seulement l’empreinte carbone du lait, mais également les empreintes carbone par hectare et par personne nourrie.
Des références par système fourrager
La première analyse consiste donc à comparer les systèmes fourragers, le classement ayant été fait de la manière suivante :
- 34 exploitations, dont 26 en agriculture biologique, sur le système < 20 % maïs/SFP,
- 52 exploitations sur un système 20-40 % maïs/SFP,
- 50 exploitations avec plus de 40 % maïs/SFP.
L’empreinte carbone nette est le cumul de toutes les émissions de GES, auquel on soustrait le stockage du carbone dans les sols des prairies et dans les haies. Les résultats pour chacun de ces systèmes fourragers sont présentés dans la figure ci-dessous :
L’empreinte carbone du lait breton est en moyenne de 0,87 kg eq. CO2/L de lait vendu corrigé
Lorsque l’on regarde uniquement les émissions de GES, peu d’écart est observé entre les différents systèmes lorsque celles-ci sont ramenées au litre de lait vendu corrigé ou à la personne nourrie. Néanmoins, une différence entre les systèmes fourragers sur les émissions de GES par ha de SAU est observée. Cela est lié notamment au chargement, plus faible en systèmes herbagers (1,36 UGB lait/ha SFP lait), comparé à ceux ayant plus de 40 % maïs/SFP (1,90 UGB lait/ha SFP lait).
Si l’on observe les résultats des empreintes carbone nettes, les systèmes avec plus de prairies dans leurs assolements compensent davantage leurs émissions de GES. Le stockage de carbone dépend également de la durée de présence des prairies dans les rotations de l’exploitation. En moyenne, tous systèmes confondus, 10 % des émissions de GES sont compensées par le stockage de carbone. En lien notamment avec la présence de prairies et de haies, la biodiversité entretenue est plus importante dans les systèmes herbagers.
Logiquement, la performance nourricière à l’hectare est plus importante dans les systèmes plus productifs. Cependant, ramenées à la personne « nourrie », les émissions de GES ne sont pas différentes entre les systèmes fourragers.
Réduire les émissions de GES : une optimisation technique de l’atelier lai
La seconde analyse réalisée sur les bilans carbone consiste à isoler les exploitations les plus émettrices et les moins émettrices de GES.
Pour ce faire, les déciles sont obtenus par une pondération des trois critères suivants : les émissions de GES/l de lait vendu corrigé, les émissions de GES/ha SAU et les émissions de GES/personne nourrie théorique.
Les exploitations faisant partie des 10 % les moins émettrices présentent des émissions de GES nettement plus faibles, quelle que soit l’unité à laquelle elles sont ramenées. À l’hectare de SAU, cela va de 5 895 kg eq. CO2 pour les moins émettrices, à 10 920 kg eq. CO2 pour les plus émettrices. À la personne nourrie théorique, cela va de 271 kg eq. CO2 pour les moins émettrices à 391 kg eq. CO2 pour les plus émettrices. Au litre de lait vendu corrigé, cela va de 0,84 kg eq. CO2 pour les moins émettrices à 1,15 kg eq. CO2 pour les plus émettrices.
Les critères liés aux dimensions sont similaires (main-d’œuvre, SAU, SFP, SCOP) dans les exploitations des deux catégories. La différence principale intervient au niveau de la part de maïs sur la SFP (16 % pour les moins émettrices contre 41 % pour les plus émettrices). Composé d’autant d’exploitations en bio qu’en conventionnel, les 10 % les moins émettrices possèdent des émissions de GES plus faibles grâce à une optimisation de la performance du système.
Performances techniques et environnementales | 10 % les plus émetteurs (n = 14) | 10 % les moins émetteurs (n = 14) |
Lait vendu corrigé/VL (L/vache/an) | 7422 | 6947 |
UGB génisses/UGB VL (%) | 48 | 37 |
Âge au 1er vêlage (mois) | 28,5 | 27,5 |
Concentré des VL (g/l de lait vendu corrigé) | 161 | 115 |
Concentrés génisses (kg/UGBg) | 859 | 444 |
Autonomie protéique (%) | 61 | 87 |
Azote minéral épandu (kg N/ha SAU lait) | 48 | 12 |
Temps au pâturage des VL (jour) | 135 | 206 |
Excédent du bilan azoté (kg N/ha SAU) | 132 | 50 |
La cohérence entre les intrants et la productivité est la mesure clé des exploitations les moins émettrices. Par exemple, celles-ci distribuent moitié moins de concentrés pour leurs génisses et disposent d’un âge au 1er vêlage plus précoce d’un mois. Qui plus est, elles gardent moins de génisses pour le renouvellement de leur troupeau. Par ailleurs, ces exploitations font davantage pâturer les vaches, ce qui leur permet d’avoir moins d’effluents à gérer par la suite.
Des leviers bas carbone adaptés en fonction du système fourrager
La même analyse des émissions de GES (pondération des trois critères d’émissions de GES) a été réalisée au sein de chaque système fourrager. Ainsi, on observe une forte variabilité d’émissions au sein d’un même système fourrager, mais également une grande diversité des leviers activés selon le système fourrager mis en place.
Au sein du système dit « herbager » (< 20 % maïs/SFP) comprenant trois quarts d’exploitations en agriculture biologique, un écart de 0,24 kg eq. CO2/l de lait sur les émissions de GES existe entre le quart supérieur et le quart inférieur. Cela s’explique principalement par les performances techniques ci-dessous :
Quart le plus émetteur (n = 8) | Moyenne <20 % maïs/SFP (n = 34) | Quart le moins émetteur (n = 8) | |
Lait vendu corrigé/VL (L/vache/an) | 5445 | 5580 | 6160 |
Âge au 1er vêlage (mois) | 29,1 | 28,7 | 27,9 |
Concentré VL (g/l de lait) | 74 | 58 | 46 |
Temps au pâturage des génisses 1-2 ans (jours) | 215 | 237 | 259 |
PP/SAU lait (%) | 7 | 10 | 23 |
Carburant (l/ha SAU lait) | 139 | 124 | 116 |
La productivité laitière des vaches est un critère différenciant le quart le plus émetteur et le moins émetteur avec un écart de 715 L/VL/an, mais avec moins de concentrés par litre de lait (- 28 g/l de lait). La conduite des génisses, et notamment l’âge au 1er vêlage, semble être un facteur important. On note un âge inférieur d’un mois au 1er vêlage et en même temps un temps au pâturage des génisses supérieur de 1,5 mois.
Pour le système fourrager « herbe-maïs » (20-40 % maïs SFP), un écart de 0,25 kg eq. CO2/l de lait sur les émissions de GES est présent entre le quart supérieur et le quart inférieur. Cela s’explique principalement par les performances techniques ci-dessous :
Quart le plus émetteur (n = 13) | Moyenne 20-40 % maïs/SFP (n = 52) | Quart le moins émetteur (n = 13) | |
Lait vendu corrigé/VL (L/vache/an) | 7310 | 7585 | 8160 |
UGB génisses/UGB VL (%) | 45 | 43 | 40 |
Âge au 1er vêlage (mois) | 28 | 28 | 27,6 |
Concentré génisses (kg/UGBg) | 936 | 661 | 552 |
Temps au pâturage des vaches laitières (jour) | 166 | 178 | 196 |
Temps au pâturage des génisses 0-1 an (jour) | 56 | 78 | 92 |
Azote minéral épandu (kg N/ha SAU lait) | 56 | 42 | 27 |
Ici aussi, la production laitière des vaches est un critère discriminant avec + 850 L/VL/an pour le quart le moins émetteur, par rapport au quart le plus émetteur. Par ailleurs, les vaches passent un mois supplémentaire au pâturage.
La conduite des génisses est également un facteur de variation. On observe moitié moins de concentrés distribués aux génisses alors que l’âge au 1er vêlage est similaire. Cela s’explique notamment par davantage de pâturage dans la ration des génisses et notamment celles de moins d’un an.
Enfin, la fertilisation azotée minérale va du simple au double entre le quart le moins émetteur et le quart le plus émetteur.
D’un point de vue structurel, les exploitations du quart le moins émetteur disposent d’une productivité de la main-d’œuvre inférieure (244 000 L/UMO) au quart le plus émetteur (350 000 L/UMO).
Concernant le système à plus de 40 % maïs/SFP, un écart de 0,23 kg eq. CO2/l de lait sur les émissions de GES est constaté entre le quart supérieur et le quart inférieur. Cela s’explique principalement par les performances techniques ci-dessous :
Quart le plus émetteur (n = 12) | Moyenne > 40 % maïs/SFP (n = 50) | Quart le moins émetteur (n = 12) | |
UGB génisses/UGB VL (%) | 47 | 40 | 34 |
Concentré VL (g/l de lait) | 182 | 165 | 160 |
Concentré génisses (kg/UGBg) | 970 | 773 | 778 |
Temps au pâturage des vaches laitières (jour) | 101 | 139 | 145 |
Azote minéral épandu (kg N/ha SAU lait) | 52 | 44 | 38 |
Carburant (l/ha SAU lait) | 219 | 204 | 185 |
Pour le système dit « maïs », la productivité des vaches ne ressort pas comme un élément de différenciation. Par contre, l’efficacité des concentrés est plus basse d’environ 20 g/l de lait pour le quart le moins émetteur. En parallèle, le temps passé au pâturage par les vaches est supérieur d’un mois et demi.
Par ailleurs, les exploitations du quart le moins émetteur de ce système fourrager ont recours à moins d’intrants avec 24 kg N minéral/ha SAU lait et 34 L de carburant/ha SAU lait en moins par rapport au quart le plus émetteur.
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